Ne faudrait-il pas aussi sermonner le provocateur Charlie? (Suite et fin)

27 janvier 2015

Ne faudrait-il pas aussi sermonner le provocateur Charlie? (Suite et fin)

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Avec la Une de son premier numéro après l’attentat dont il a été victime, l’on constate que Charlie n’a pas changé, et que, manifestement, Charlie ne va pas changer. En effet, il est reparti de plus bel avec une caricature du Prophète Mahomet. Mais, cette Une, au fond,  ne relèverait-elle pas moins de la caricature satirique que de la provocation puérile, c’est-à-dire de ce réflexe de l’enfance rebelle consistant à s’entêter dans l’interdit ? Cette seconde éventualité signifierait que Charlie n’est pas véritablement guidé par la liberté d’expression, mais qu’il est plutôt aliéné ; car l’aliéné, c’est justement celui dont l’agir est fonction du regard d’un tiers.

A penser de plus près cette liberté d’expression même qu’on agite comme principe irréfragable, ces questions viennent à l’esprit :

–         Pourquoi s’émeut-on quand le polémiste Dieudonné fait des représentations jugées antisémites ?

–         Pourquoi veut-on traîner  des journaux devant les tribunaux quand ils traitent Christiane Taubira de singe ?

Il est même socialement correct de s’indigner quand dans les stades quelqu’un soulève ne serait-ce qu’une banane. Aujourd’hui, on s’offusque même, et c’est de bonne guerre, quand des médias révèlent l’homosexualité d’un politique. Or là, il ne s’agit que d’humains, c’est-à-dire d’êtres qui ne sont fondateurs d’aucune religion. Acceptons volontiers que le véritable principe de la laïcité soit que l’Homme soit plus sacré que Dieu. Mais justement, si l’on respecte l’homme-musulman de la même manière que l’homme- juif et l’homme-noir (ainsi que l’on le fait croire), pourquoi ne pas respecter au moins sa foi ? Et tenons nous bien, respecter sa foi ne signifierait pas d’abord respecter son Prophète, mais le musulman lui-même non pas pour sa religion, mais parce qu’il est une personne humaine. Comment, en effet, pourrait-on respecter quelqu’un sans au moins respecter ce en quoi il croit ?

Voici ce même raisonnement présenté de façon schématique, pour être un peu plus clair :

–         Il y a à respecter les musulmans parce que respecter tous les hommes est un principe absolu du niveau de civilisation actuellement atteint par l’humanité.

–         Or, respecter quelqu’un, c’est, avant et après tout, respecter sa foi.

–         Conclusion : il faut donc respecter le Prophète Mahomet pour respecter non pas forcément le musulman, mais celui qui fonde sa foi en l’islam parce que c’est un homme avant tout. (Je sais que ma pensée est subtile, mais je ne parviens pas à être plus explicite).

De cette manière, l’on reste logique avec soi-même puisque l’on a proclamé qu’il n’y a que les hommes qui comptent, eux que l’on a mis au dessus de Dieu. C’est pourquoi, bien que condamnant avec fermeté le terrorisme islamiste, il est bon d’interpeller, un tant soit peu, Charlie Hebdo sur le respect des convictions religieuses des uns et des autres.

Voici un exemple de tolérance en la matière. Savez-vous que suivant l’indice de diversité religieuse de l’Institut de Recherche Pew, la Côte d’Ivoire est classée au 7è rang mondial ? A Abidjan, voyez ce qui se passe quotidiennement d’une façon totalement banale : il arrive souvent qu’églises, mosquées, bars et autres endroits mondains se retrouvent dans une promiscuité incroyable. Savez-vous comment ils parviennent à cohabiter  sans heurts majeurs ? Eh bien, au moment de la prière de l’un (mêmes des adeptes de Bacchus), les autres font l’effort d’être les plus silencieux possibles. En le faisant, personne ne se renie. Peut-être même que chacun ne se fout pas mal du Dieu de l’autre, mais au moins en s’effaçant pour laisser l’autre pratiquer sa religion, chacun montre qu’il a un profond respect pour son prochain qui est embarqué avec lui dans cette aventure qu’est la vie. C’est vraiment à méditer…

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