Côte d’Ivoire : voici un bon moyen pour avoir l’eau potable (2)

6 janvier 2015

Côte d’Ivoire : voici un bon moyen pour avoir l’eau potable (2)

Ceci dit, l’interrogation suivante persiste : pourquoi est-ce seulement en 2010 que l’on fît de l’accès à l’eau potable un droit fondamental explicite, comme si c’est à partir de ce moment-là que l’on se rendît compte de sa nécessité absolue ? Pour trouver réponse à cette interrogation logique, suivons l’indice que donne un sage qui dit ceci : « l’eau, nous n’en voyons l’importance que lorsque les puits sont secs. ». La raréfaction croissante de cette ressource naturelle serait donc la motivation de la résolution A/64/L.63/Rev.1. On peut effectivement le supposer quand on s’en tient aux propos du représentant du Yémen qui, lors des débats précédant le vote, avait parlé de l’eau comme du « pétrole du siècle de la soif que sera le XXI siècle ».

Le droit à l’eau potable reconnait précisément à toute personne, « quel que soit son niveau économique, de disposer d’une quantité minimale d’eau de bonne qualité qui soit suffisante pour la vie et la santé ». L’Etat de Côte d’ivoire semble en avoir déjà pris conscience, lui qui a promis résorber les pénuries  d’eau dans le District d’Abidjan, et fournir gratuitement l’eau potable dans les zones rurales. Le chef de l’Etat  l’a dit dans sa dernière allocution  : les grands travaux lancés il y a quelques années  pour palier le problème seront livrés à la fin de ce mois de janvier 2015.

Pour aller droit au but, autant dire tout de suite que l’intention du présent billet n’est pas d’interpeller l’Etat sur la problématique de l’accès à l’eau potable en Côte d’ivoire. Dans la mesure où les tenants actuels de l’exécutif ivoiriens semblent avoir pris le problème à bras le corps, ce serait comme prêcher à des gens déjà convertis que de s’adresser à eux. Ceux dont je veux attirer l’attention, ce sont les populations que nous sommes.

Pourquoi les populations, pourrait-on demander en toute légitimité ? Ici, l’énoncé de la résolution en question apporte la meilleure réponse possible. Dans le rapport final de l’Assemblée Générale des Nations Unies, cette résolution s’énonce comme suit : « Résolution sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ». L’assainissement : c’est bien à cela encore que l’accès à l’eau potable ramène, puisque toute eau à l’environnement pour source. Nous voici ainsi conduits à la question de l’insalubrité. Et, c’est sur ce point que je veux interpeller mes concitoyens, car celle dont nous faisons preuve, ici en Côte d’ivoire, ne favorise pas notre propre accès à l’eau, cette nécessité absolue pour la bonne santé. Il n’y a qu’à faire un petit tour dans n’importe quelle contrée du pays pour voir à quel point nous polluons l’eau autour de nous. L’exemple de la lagune Ebrié, étendue d’eau extrêmement polluée en plein cœur d’Abidjan, est comme une vitrine où est exhibée cette réalité ivoirienne. Savons-nous que ces nombreux cours d’eau érigés en dépotoirs sont autant de puits asséchés de notre fait. Si donc nous faisons l’effort de respecter ne serait-ce que ce seul droit humain qu’est le droit à un environnement sain, nous améliorerions incontestablement notre accès à l’eau potable.

Il est vrai que, depuis peu, l’Etat a manifestement fait de la salubrité urbaine l’un de ces soucis majeurs. L’opération pays propre s’inscrivait bien dans cette logique ; opération au cours de laquelle les installations anarchiques étaient démantelées, les égouts curés, les rues balayées. Cependant cette méthode a vite montré ses limites, l’insalubrité reprenant de plus bel aussitôt les machines éteintes. Aussi, pour parvenir à un environnement sain, faudrait-il une autre approche : l’éducation. C’est ici que je veux m’adresser à l’Etat, puisqu’enfin de compte, c’est lui qui l’obligation de mettre en oeuvre les droits humains.

Certes, tout se passe comme si les pollueurs de l’environnement avaient l’incivisme dans le sang, et que leur attitude était ainsi la manifestation de leur seconde nature. Bref, les mauvaises habitudes ayant la peau dure, il est difficile de changer leur relation à la chose publique. Toutefois, sur le plan culturel, qu’est-ce qui est impossible à l’éducation. « L’éducation peut tout, elle fait danser les ours. », dit Leibniz. Pas question ici de ces campagnes publicitaires lapidaires qui ne touchent pas plus de monde que les panneaux sur lesquels les affiches sont placardées. Ici, il est question d’éducation véritable, cette œuvre patiente et de longue haleine qui fait Homme. L’éducation : c’est bien à cela qu’il convient de s’acharner sans relâche pour assainir l’environnement. C’est Leibniz qui dit encore que « celui qui se rend maitre de l’éducation peut changer la face du monde ». Est ainsi tissé un lien entre environnement et éducation. L’environnement  étant lié à l’accès à l’eau potable, le lien de celle-ci à l’éducation ressort de la simple logique, car l’assainissement de l’environnement par quoi cet accès passe ne peut être durablement atteint qu’en éduquant les populations. Se comprend alors pourquoi l’UNESCO aussi évoque la problématique de l’accès à l’eau potable.

L’éducation : en plus des efforts infrastructurels qu’il consent, c’est donc encore à cela que l’Etat doit aussi s’employer afin d’atteindre la Déclaration du Millénaire l’engageant à réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau. Mais, même atteint, cet objectif serait encore largement insuffisant tant qu’il y aurait un seul individu, un seul homme, quel qu’il soit et quelle que soit la contrée où il vit, qui n’aurait pas accès à l’eau potable. Aussi, ne faudra-t-il ménager aucun effort pour que chacun puisse jouir de ce droit inhérent à la vie. En réalité, c’est en l’atteinte de tels objectifs que la communauté des hommes trouve son sens.  Dans son Petit catéchisme de la réforme sociale, Richard Lahautière dit ceci qui vient à propos : « Tant que dans le monde entier un homme, un seul homme criera : j’ai faim, j’ai soif, la société ne sera pas constituée. ». Tant qu’il y aura donc un seul homme qui n’aurait pas pleinement accès à l’eau potable, l’Etat n’a pas encore accompli sa mission fondamentale : œuvrer à l’effectivité des droits humains.

Jean Marc Yao

Consultant en droits humains

yaokjmarc@gmail.com

@yaokjmarc1

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